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samedi 6 octobre 2012

Un très lointain voyage

Je reviens de loin, très loin même.
Je n'ai pas osé partager ce qui dans un élan prophétique m'a ramené de ce côté-ci de la vie. J'avais peur, peur que vous m’abandonniez. Je sais, c'est laid, alors voilà, j'ai écrit deux fragments de mémoires que je n'ai pas partagé avec vous. Pourtant, si je suis revenue ici, c'est un peu grâce à vous, vous qui me suivez depuis le dautenbon avec une obstination qui m'émeut. Pourriez-vous m'imaginer encore aussi gaie et enthousiaste après avoir lu ces deux textes ? Pourriez-vous me voir pleine de possibles malgré mes fragilités. Pourrez-vous envisager le courage qui fut le mien ? Oui, incontestablement vous le pourrez, j'ai confiance, au point de vous confier ces choses qui furent comme une paillette d'espoir me guidant pour sortir du gouffre, rallumer la lumière intérieure et y croire encore.

Fragments de Mémoire (1)
 
 
Forge

L’envie d’en finir, lente torture allumée dans ma tête, consumait tout mon être. Le souvenir, vent pervers, en attisait les braises.
Sur l’enclume de plomb de mon désespoir, je cognais dur, à l’ombre des nuits et des jours obscurcis, forgeant étroite geôle en caractère trempé.
Toi, tu rôdais.

Envoutante et charmeuse, ma partenaire idée du suicide. Nous valsions. Comme tu avais fière allure, mon minotaure : beauté du diable, voix des sirènes. Séduisante machine à broyer l’ancrage espoir…
Et aujourd’hui regarde-toi. Tapie dans l’ombre muette de ces barreaux roides,
Suspendus et grinçants mais sans danses macabres.

Moi, je suis là, Ariane trempée de pluie, défraichie par nos combats mais vierge de tes ébats. Serrant pelotonné sur mon sein le fil des rêves.
Intact
Solide
Debout sur les ruines de ma dédale mémoire, je fixe l’horizon.
Trois fois le mois, je t’apporte des oranges, et tu gémis. Je veille sur toi, mon pire ennemi, d’un regard éclairé d’une aura qui t’effraye.

Les feux de ma mémoire brûlent encore, mais l’enclume est rouillée. Un lierre se vrille, enfermant ce vague témoin, faible trace, à peine scorie dans mon paysage intime. Au coin du creuset de ma forge, ma moelle se décongèle, la peur s’est envolée. Un frêle vent doux et chaud
-l’aMitié-
Entretient le brasier. Il mène la danse et je danse avec lui.
Sereine. Je souffle des licornes de verre aux reflets d’arc en ciel.
Comme ils sont beaux ces féériques troupeaux, nobles et paisibles, paissant en terre Complice à l’ombre d’une cathédrale. Dentelle d’éphémères, sans dieu ni maitre, débordante d’affection.
Seul le grincement de ta cage, ma larve, me rappelle parfois les temps fanés de l’affliction.
 
 
Fragments de Mémoire (2)
 
 
 Jardin Fertile

Excavées et filtrées les terres de ma cervelle. Extirpées les racines porcelaines des maux enfouis.
Mille fois ressurgis, des mots.
Peupler de vers ma mémoire. Les laisser accomplir leur ouvrage organique.
Voir fleurir de l’ancien bourbier un jardin onirique.
Un champ de pensées pures et blanches

Mélancoliques et bleues.
Emaillé d’adventices sauvages, de farouches coquelicots.
Je les laisse là. Sans les dompter, ni les cueillir. Ils sont mon jardin secret, mes petits éclats de couleurs à rêver en solitaire les jours d’espérances ou de désolation.
Il y a là l’idée d’un cerisier en fleurs, prometteur.
Des framboises acidulées comme des baisers d’enfants sincères.
Un épouvantail éloignant les noirs desseins, les sombres chagrins.
Des étoiles en germe.
Des chants en grains.
Des nuées de cerfs-volants pour amuser les enfants les jours de grands vents.

Des champs d’ailes de papier, bruissantes et rêveuses, frémissantes à l’envie de crever, joyeuses, les nuages des petits matins fraises et des soirs d’orange.
Des…
Dans un coin de ma tête fleurit un jardin délicieux,  il étale son désordre au pied d’un saule audacieux. Ecorce en braille, feuilles en musique. Au nid de la branche, reposent en paix deux violons accordés.


Tous droits réservés Sandrine Brossel

14 commentaires:

  1. Des fragments de mémoire où l'on se rend compte de ce terrible voyage qui t'a emmenée si LOIN très chère Sandrinete !!! Oui il faut une dose énorme de courage pour remonter de ce gouffre si profond dans lequel tu tombais !
    Et tout à coup cette paillette d'espoir qui vient t'aider à rallumer la lumière intérieure !!! Mais oui il faut y croire encore et toujours ! Merci de ce partage si fort, si émouvant à nous, tes amis !

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    1. Oui, il faut croire encore même quand on ne croit plus, croire encore quand la boite de Pandore est vide de l'espoir même.
      Merci à toi, d'avoir fait irruption dans ma vie, ton sourire et ton regard bienveillant faisaient partie de la lumière.

      De rien, vraiment, l'envie de partager ces mots était devenue trop forte. Et je suis toute aussi émue que toi, ma toute chère.

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  2. C'est très émouvant.
    Les mots et la mise en forme de ces mots.
    Puissent-ils te libérer de la souffrance et du chagrin.
    Bises.

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    1. Merci ma chère Berthoise, si tu savais ce que les mots m'ont apportés et comblés, oui, ils me libèrent et je n'en suis qu'au début...

      Bises aussi

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  3. Nous contemplons en toi le miracle de la vie.
    Qu'il est bon à entendre le son de tes accordéons aux soufflets de papier...

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    1. Rhoooooooo, tu me fais plaisir mon cher Walrus, toute touchée à l'idée de la musique de mes accordéons de papier que tu as su entendre. Je t'embrasse mon très cher, qui savait que j'avais tout en moi, bien avant moi...

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  4. Les confidences ont quelque chose de sacré, on en parle que si on le veut bien.
    A la lecture de tes mots l'émotion est forte Sandrine !
    Toutes mes amitiés.

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    1. Je ne sais si c'est profane ou sacré, j'avoue ma chère Brigou, mais c'est remonté criant d'une curieuse vérité.
      J'atas je me souviens effrayée et soulagée, épuisée aussi.

      Aujourd'hui me voici enrichie d'une nouvelle forme d'apaisement apportée par ce partage...
      Très touchée que l'émotion était au rendez vous.
      Toutes mes aMitiés aussi.

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  5. Merci pour ces confidenSes... ta fragilité est émouvante, ta force, lumineuse, et les mots que tu emploies d'une poignante limpidité.

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    1. De rien, fragile oui, j'aime ce mot dont on m'étiquette enfin aussi, trop longtemps jugée d'une force que j'ignorais.

      Les mots quantà eux sont venus à moi comme un don.

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  6. Ma Sandrinette, je ne sais que dire... Tu as réussi à accrocher "le fil de tes rêves", quel courage! Ces deux textes si bien écrits me touchent, me donnent des frissons...
    T'abandonner? Je t'aime encore plus! (Ca ne se dit pas entre filles? Ben tiens! Tu pourrais être ma fille!) :-)
    Et longue vie à "l'épouvantail chasseur de noirs desseins"...!

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    1. Merci ma chère Tilleul, le parking ou nous nous sommes garé tout l'après midi était tout orné de Tilleuls se parant pour l'automne, cet arbre n'est plus vraiment un arbre désormais, il est un pense à toi.
      C'est comme ça.

      Me voici toute émue et je serais presque muette à te lire, mais comme je me fiche des convenances je ne le suis pas assez pour ne pas t'écrie que je t'aime aussi.

      L'épouvantail est de plus en plus efficace, bien solidement "encré" en moi, je crois bien qu'il vivra encore après moi ;-)
      Je t'embrasse !!

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  7. Il y a des voyages qu'on fait seul même si l'ombre des amis nous suit de loin et nous guide un peu également et même si l'obscurité les cache un temps.
    Je vous embrasse Sandrine.

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  8. Dans ces voyages là on s'éloigne aussi de leur impuissance à nous aider, je pense.
    Lorsqu'on revient, on ne sait pas qui sera là, à nous attendre, qui sera content qu'on soit sorti. Je me fais la réflexion depuis, que ce n'est pas dans l'adversité qu'on reconnait ses vrais amis (comme on le dit si souvent, car oui, il est des combats qu'on ne peut mener que seul), mais bel et bien dans la joie sincère que nos amis éprouvent après une période comme celle là. Ils sont là, juste contents sans jugement et c'est magnifique, faut avouer.
    Je vous embrasse aussi.

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